- Je vais être très clair avec toi. Si tu veux rester en vie, je te conseille de cesser de te moquer de moi. Les gens qui se créent une image pour se protéger, ou pour manipuler, j'en ai connus, j'en connais, et j'en fais même partie. Donc...
 
Devant la colère du Zoldick l’étonna plus qu’elle n’y laissa paraitre. Ellie changea radicalement d’attitude, empruntant son masque le plus impassible possible. De toute évidence minauder ne servait qu’à le pousser à bout. Dommage, cela fonctionnait avec les type de la mafia : plus on prenait un air bête, moins ils se méfiaient. Mais celui-là appartenait à la catégorie au-dessus. Au moins, sur ma tombe, on pourra inscrire « elle a  même réussi à foutre Irumi Zoldick en rogne » se dit-elle. C’était plutôt pas mal comme message final. Une belle sortie, pour ce qu’elle en savait. Enfin, au moins, elle avait appris une chose : Irumi était un manipulateur, il venait lui-même de l’avouer.
 
Si je m’en sors vivante par miracle, je revends cette information. Décida-t-elle. Mais n’étant pas une femme avide, l’appât du gain ne risquait donc pas de la motiver.
 
Irumi prit un ton extrèmement froid et pourtant doux comme de l’acier. Le type d’acier dont on fait des guillotines. Il se pencha vers elle, ses longs cheveux noirs coulant sur l’épaule d’Ellie, et lui susurra à l’oreille :

- Cesse ton petit jeu et montre-moi donc qui tu es vraiment.
 
Ellie se figea malgré elle, et elle leva les yeux vers le Zoldick. Elle aurait aimé rire, lui répondre que son ordre n’avait aucun sens à ses yeux : elle ignorait qui elle était vraiment. Bien sûre, elle connaissait son identité, le nom de ses parents, de son tuteur, mais ce qui fondait son être ? Ce qu’elle ressentait au fond d’elle ? Ce genre de questions avait tendance à ouvrir un gouffre noir et brumeux qu’elle ne pouvait que contempler avec la folle envie de tomber  pour y sombrer. Elle préféra donc ne rien répondre à cela, se contentant de fixer son interlocuteur.
 
Celui-ci se recula, pour reprendre d’un air neutre –et presque innocent, comme s’il ne menaçait pas une fille sans défense –elle !
 
- J'ai terminé mon travail, c'est tout ce que tu as à savoir. Ton nen m'intéresse, c'est pourquoi avant de rentrer, je vais faire un peu détour en t'accompagnant quelques temps. Je ne te laisse pas vraiment le choix.
 
Ellie marqua un temps d’arrêt. Sa première réaction fut de penser « Tu veux mon Nen ? Je vais te le montrer et te faire quelques cicatrices pour que tu te souviennes de moi ! » Mais elle se calma bien vite pour se focaliser sur l’essentiel. Pourquoi ? Pourquoi voulait-il des informations sur son Nen ? Si, comme elle avait deviné, il s’agissait bien d’un manipulateur…Alors elle ne voyait qu’une seule possibilité : il devait avoir un pouvoir comme le sien, qui lui permettait de s’approprier dans une certaine mesure, les capacités des autres. Cette idée la révulsa. Hors de question de lui laisser utiliser ses techniques !
 
-Si tu refuses, je te tue. Si tu tentes quoi que ce soit contre moi, je te tue. Si un seul de tes mouvements me semble suspect, je te tue. Et si tu fais encore une seule remarque à propos du chat, je te tue.
 
Oh. C’était donc la remarque sur le chat qui l’avait vexé ? Pauvre doudou, ironisa mentalement Ellie. Son regard dériva sur l’animal et elle jaugea ses chances de l’atteindre avant qu’il ne la bute. Proche de zéro malheureusement.
 
-Ai-je été suffisamment clair ?
Avant de répondre –elle était décidée à ne pas partir en fille soumise- elle refoula le sentiment de nausée. L’aura des Zoldick était définitivement très effrayante, pour ceux qui craignaient la mort.
 
Mais etonnement les menaces la rassuraient plus qu’autre chose. Soit : elle jouait sa vie en ce moment-même. Elle l’avait déjà fait, et le referait très certainement si elle s’en sortait. Si elle perdait, cela signifiait juste qu’elle avait mal joué, tant pis et bien fait pour elle. Au moins, les docteurs pourraient reprendre ses organes pour les greffer sur son frère. Mais apparemment, le type la désirait en vie, cela signifiait peut-être que son pouvoir de manipulation nécessitait des êtres vivants ? Elle ne désirait pas parier là-dessus, et même si c’était vrai, souvent être manipulée par le nen mettait en danger de mort la victime.
 
-Il est clair que j’ai un nombre de choix mirobolant. Je vous suis.
 
La plaisanterie était encore le meilleur moyen de détourner l’adrénaline. Elle leva les yeux au ciel et essaya de retrouver pied dans cette situation inextricable.
 
-Soit. Tu veux voir mon nen. La question est, comment ? Mon Nen a plusieurs façons de fonctionner, ce serait dommage d’en omettre une, non ?
 
Elle mâchonna à nouveau sa lèvre inférieure, pleine de sang. Elle doutait pouvoir réussir à former une arme avec si peu de liquide, et réussir à la cracher au visage d’Irumi. Peut-être que le meilleur moyen encore de s’en sortir était de l’embrasser : faire passer ce goût sanguin avec la salive du baiser…Et attendre que la manipulation fasse effet. Mais cette technique d’approche ne fonctionnait qu’avec les personnes intéressées par son petit corps…Et elle ne savait pas pourquoi, Ellie songeait qu’Irumi s’y intéressait, mais pas de cette façon.
 
Il devait le préférer froid et sans vie.
 

Le Zoldick avait ri. Un très léger rire, certes, mais un rire quand même. J’aurais tellement dû faire comique, en fait, se dit Ellie. Peut-être qu’on pourrait rajouter  à son épitaphe « A mis en rogne Irumi et l’a fait rire : combo mortel ».  Mais quelque chose lui disait qu’elle risquait de voir les gens se moquer de sa tombe au lieu d’y déposer des fleurs.
 
En tout cas Irumi semblait apprécier le sang, vu la façon dont il s’entaillait le poignet pour lécher la coupure. Bon point pour elle. Même si elle ne savait pas encore de quelle manière tourner cette information à son avantage.

- Je veux analyser ton nen. Qu'importe la manière, je veux voir ton nen en action. Même si je dois me battre contre toi pour cela. Je t'avouerai que je préfèrerais éviter, je n'apprécie guère les combats inutiles.
 
Déclara le Zoldick.
 
Touchée n’était pas le mot qui convenait, mais quelque chose titilla l’orgueil d’Ellie, une pensée : Mon nen est exceptionnel…lement casse-couille. Elle se serait bien passé de l’intérêt d’un homme tel qu’Irumi : bien plus fort qu’elle. Mais bon, au moins, il fallait voir le bon côté des choses : il y avait une alternative à la confrontation –et donc à la mort. Ellie reprit alors son sourire serein et apaisé, son masque habituel.
 
D’accord : deux possibilités s’offraient à elle. Elle pouvait soit lui demander de la suivre dehors –mais vu le regard qu’il portait à l’orage, il devait craindre de fondre sous la pluie, telle la sorcière d’un conte. Et elle lui demandait un nom, une victime, qu’elle tuait devant ses yeux. Cette option comportait de nombreux avantages : elle pouvait ne pas tout dévoiler, juste la partie létale de son pouvoir. Et en plus elle s’appropriait un pantin qui pouvait lui faire gagner les quelques secondes qui lui manqueraient si elle se décidait à prendre la tangente.
 
Mais ce fut l’autre option que choisit Ellie, décidée par le dernier regard que lui porta le tueur. Elle savait reconnaitre ce genre de petit détail. Elle l’emmènerait donc dans un lit, lui ferait passer une micro-goutte de sang dans l’organisme –par la salive ou un autre moyen, qui y prête attention dans lors d’un câlin ?- et ensuite…
 
Ensuite elle pourrait peut-être s’enfuir. Le paralyser le temps de se barrer fissa. Au mieux, elle réussissait à lui faire avouer les quelques mots salvateurs et s’appropriait une partie de son pouvoir. Mais elle n’en espérait pas tant. Si déjà, elle s’en sortait, ce serait bien.
 
-Bien, bon.
 
Ellie observa une seconde le Zoldick. Puis décida que puisqu’il la tutoyait et qu’elle allait finir dans son lit, elle pouvait se permettre de faire de même :
 
-Il va falloir que je puisse bouger sans que tu me tues. Et je vais très probablement faire plein de gestes très suspects. Donc ce serait bien si tu ne me tuais pas encore une fois.
 
Elle inspira profondément et reprit son air serein, en s’approchant d’un simple pas vers Irumi.
 
-Parce que, tu vois…Mon nen implique une certaine…Proximité.
 
Elle s’arrêta et fixa l’orage au dehors.
 
-Si tu veux donc toujours le voir il faudra un hôtel et se…mouiller un peu.
Mon dieu, elle aurait tellement du devenir comique.
 
 

- Bien, bon. Il va falloir que je puisse bouger sans que tu me tues. Et je vais très probablement faire plein de gestes très suspects. Donc ce serait bien si tu ne me tuais pas encore une fois.

Le mercenaire observa la jeune femme, cherchant où elle voulait en venir.

- Parce que, tu vois… Mon nen implique une certaine… Proximité. Si tu veux donc toujours le voir il faudra un hôtel et se… Mouiller un peu.

Un hôtel ? Irumi repensa à la dernière rencontre qu'il avait faite dans un hôtel, et n'avait pas spécialement envie de retrouver l'ennui que cela lui avait causé.

- Il y a une auberge non loin de là. Allons-y. De toute manière, tant que l'orage ne se sera pas calmé, nous ne pourrons aller nul part.

Sans attendre de réponse de la part d'Ellie, Irumi se métamorphosa littéralement sous ses yeux. A présent, il avait le corps d'une jolie blonde d'un mètre soixante-dix environ, à forte poitrine, et était habillé d'une légère robe blanche moulante.

- Avant que tu ne dises quoi que ce soit. Même la voix d'Irumi avait changé, pour une voix féminine des plus agaçantes. Je connais le patron de l'auberge dans laquelle nous allons, et je ne tiens pas à débourser la moindre pièce pour lui - oui, il héberge gratuitement les jolies filles - et comme il est en relation avec Père, je ne peux pas me montrer sous ma véritable apparence, il penserait que je viens l'espionner. Maintenant que tout est clair, allons-y.

Irumi prit les devant, et sortit sous la pluie, sa robe, comme il s'y attendait, devint rapidement transparente, et il se dirigea rapidement en direction de l'auberge.

Elle était tombée sur le seul idiot incapable de comprendre le message ? Elle avait pourtant cru être parfaitement claire. Comment, dans quel esprit dérangé il avait pu comprendre dans sa phrase « je veux un plan gay ? ».
 
Ses parents avaient dû louper quelques trucs dans son éducation.
 
En plus sérieusement, Ellie ne voyait pas d’inconvénient à se taper une fille –même si elle préférait les mecs- mais il était absolument…hors de question qu’elle se tape une fille qui avait plus de poitrine qu’elle. Elle avait un minimum de dignité quand même.
 
Elle attendit qu’il s’éloigne un peu et le fusilla du regard. « « Spèce de fils à papa ». Avant de soupirer :
 
- Donc en gros, je paye pour me faire espionner ma technique de nen et me faire tuer ? Je suis tellement chanceuse.
 
Ellie se retint cependant :
 
-Avant d’y aller, j’ai besoin de récupérer mes affaires sur le tapis roulant de l'aérodrome !
 
Si le Zoldick se déguisait, alors, elle aussi elle avait le droit de s’amuser un peu en prétendant être ce qu’elle n’était pas. N’empêche…Elle s’était complètement planté sur son nen, il devait petre de la transformation pour pouvoir changer d’apparence à sa guise comme ça. Cela la tuait de le dire…Mais :
 
-Il est cool ton pouvoir.

Ellie n’avait pas réussi à s’enfuir lorsqu’elle était allée chercher sa valise. Elle n’y avait pas trop cru mais l’échec était toujours plus supportable lorsqu’il restait imaginaire. Irumi ne l’avait pas laissé  s’éloigner, même quand elle s’était changée pour se déguiser (elle avait rajouté un soutien-gorge renforcé histoire de ne pas paraître plate à côté d’Irumi).
 
Après une bonne heure de marche sous la pluie, trempée jusqu’aux os, ils arrivèrent enfin à l’auberge sans qu’elle n’ait pu trouver la moindre faille dans le filet. Ce fut un homme d’une quarantaine d’année qui les accueillit. Et de toute évidence, il fut charmé puisqu’il éjecta deux clients masculins pour leur laisser la place. Les hommes, toujours aussi prévisibles.

Un doute émergea dans un recoin du crâne d’Ellie. Est-ce qu’Irumi voulait un plan à trois ?!

Elle n’eut pas le temps de se poser davantage de questions, Irumi, toujours sous son apparence de fille à forte poitrine, se mit à minauder et se frotter au patron pour obtenir une ristourne. Et tout se passa comme prévu : non seulement l’homme ne leur fit rien payer, leur offrit une chambre mais elles purent même emporter leurs assiettes avec elle. Une chambre super luxueuse.
 
Ellie considéra l’option de se faire opérer chirurgicalement pour avoir plus de nichons, si ça marchait à ce point là !


Irumi ferma la porte derrière elles. Dommage, une porte de sortie en moins. Ellie fit jeta sa perruque blonde sur le lit tout en analysant les lieux. Mais ouvrir la fenêtre pour s’enfuir prendrait trop de temps. Au moins, vu la réaction du Zoldick, il ne désirait pas un plan à trois. Maigre consolation.
 
Mais à sa grande surprise, Irumi reprit sa forme de tout à l’heure –celle d’un éphèbe aux cheveux, yeux et cœur noirs.
 
- Voilà, nous y sommes. Montre-moi ton pouvoir.
 
Le soulagement fut tel qu’Ellie ne parvint pas à retenir son rire. Un rire clair et libéré. Elle se retint les côtes, essayant de faire passer son hilarité mais n’y parvint pas. Mon dieu, elle échappait au plan gay ! Il avait finalement compris ! Et…Et… L’image de la blonde frottant sa poitrine monstrueuse au gérant se fit remplacé par celle d’Irumi, froid, distant et tueur…Agissant de la même façon.
 
-Le fils Zoldick qui se trémousse devant le patron d’une auberge…
 
Elle ne pouvait pas mourir avant d’avoir cafté ça à tout York Shin ! Elle devait en parler à Cornell, à son frère, nul doute que l’image allait le tirer du coma tant c’était cocasse !
 
-Pardon ! Pardon ! C’est les nerfs.  Hoqueta-t-elle, pleurant littéralement de rire. – Laisse-moi juste reprendre mon souffle et je te montre !
 
Se calmer lui prit plus de temps que prévu, mais au moins, il ne l’assassinat pas sur le champ, elle jugea ça comme une victoire personnelle. Si elle s’en sortait, elle enverrait une lettre au président des hunter pour lui demander sa licence. Après tout elle avait survécu à Irumi. Si elle ne l’obtenait pas, elle voulait au moins une médaille, un diplôme, post-mortem s’il le fallait, mais qu’on sache qu’elle avait été la première à foutre en rogne irumi, l’avoir fait rire, l’avoir fait minauder et…
 
Elle déglutit, songeant à ce qui venait ensuite. Ma foi, ce n’était pas la première fois qu’elle en venait à cette extrémité et le compagnon –s’il était dangereux- était loin d’être laid. Elle le regarda, assise sur le lit, et se décida.
 
-Mon nen…Donc.
 
Elle fit un pas vers l’assassin tout en ôtant son haut, le corset qu’elle avait enfilé ce matin tomba au sol et elle le repoussa du bout du pied. Elle s’arrêta une seconde, ne pouvant décemment pas passer ses bras autour du coup du tueur –il était bien trop grand pour elle, il lui faudrait une échelle. A la place elle attrapa le bras mutilé d’Irumi, celui qu’il s’était entaillé un peu plus tôt et donc le sang avait commencé à former une croûte. Sa chance de s’en sortir.
 
Ellie le montra au Zoldick :
 
-Maintenant, il va falloir que je t’embrasse, et un peu plus si affinité, si tu me le permets bien entendu. Après tout, c’est très suspect comme attitude, et tu as promis de me tuer au moindre geste suspect.
 
Ellie machouilla nerveusement sa lèvre jusqu’à en faire couler une goutte sanguine dans laquelle elle emmagasina un peu de son nen. Ses yeux virèrent au rouge.  Et elle sourit.

Irumi leva son bras blessé et Ellie recula instinctivement. Non ! Elle l’avait sous-estimé et n’avait pas bien dosé son aura pour le paralyser totalement !
 
Le cœur battant, elle se concentra davantage sur son nen pour le soumettre et le garder assis, immobile dans ce foutu fauteuil.
 
-NE BOUGE P…
 
 C’est à ce moment là que l’attaque la frappa de plein fouet. L’aura sordide d’Irumi l’enveloppa toute entière. Malsaine et noire, tellement, tellement plus puissante que ce qu’elle avait pu entrevoir jusqu’à présent !
 
Je vais me faire tuer. Je vais me faire tuer.
 
Cette pensée l’envahit presque instantanément, avec la certitude qu’au moindre mouvement, au moindre pas, elle se transformerait en une réalité.
 
- Voyons combien de temps tu es capable de résister à ceci.
 
Ellie s’était toujours cru manipulatrice, mais elle comprenait à présent qu’elle ne jouait pas dans la cour des grands. Ses complots restaient tout de même très basiques, physiques, jamais elle n’avait atteint ses victimes au niveau psychologique. Les voir mort lui suffisait amplement. Mais Irumi…Non…Les Zoldick agissaient sur un tout autre plan. Son aura menaçante déformait sa vision et la faisait trembler de la tête aux pieds. Cet homme aimait faire souffrir ses victimes.
 
Je vais me faire tuer. Je vais me faire torturer et me faire tuer.
 
Mais si je ne bouge pas, cela va vraiment se produire ! Cette constatation eut bien du mal à se frayer un chemin jusqu’à la partie encore cohérente de ses pensées.
 
Elle secoua la tête pour essayer de se reprendre, de revenir à la raison, mais la menace de mort pesait encore trop lourd sur ses épaules.
 
Je vais me faire tuer.
 
Comme ses parents. Comme sa famille.
 
Et elle réalisa une chose : cela lui convenait. Elle préférait milles fois mourir plutôt que d’être réduite à l’état de légume comme son frère. Au moins, quand on meurt, tout s’achève, la souffrance, la joie, le travail. Non la mort ne l’effrayait pas. C’est ce qui venait avant qui lui pesait. Survivre. Survivre, c’était ça le plus compliqué. Elle n’avait aucunement l’intention de devenir le pantin du Zoldick ou de subir la moindre torture, quitte à mourir, autant choisir elle-même la façon dont ça devait arriver ! Elle resterait maître de son corps à défaut de ses émotions.
 
Elle leva les yeux pour défier Irumi du regard et l’aura écrasante lui coupa le souffle. Ellie serra la mâchoire et se mordit la langue. Le goût du sang lui envahit la bouche.
 
Elle était une manipulatrice bon dieu ! Hors de question de perdre face à une simple aura !
 
Ellie intensifia son nen, se concentrant de toutes ses forces sur sa tâche. Bouger. Bouger. Ne pas rester paralysée. Elle insinua son aura dans chacun de ses vaisseaux sanguins et les membres crispés eurent un sursaut, compressés entre deux forces, deux ordres opposés. Bouger ou ne pas bouger. Mourir ou vivre.
 
-BOUGE !
 
Et tout se désactiva, comme libéré d’un étau son corps suivit les ordres de son nen –puisque ceux de son cerveau n’étaient plus cohérents. Les muscles se froissèrent, se firent violence, mais ne purent que céder.
 
Ellie bondit en arrière et se plaqua dans un recoin de la pièce. Les jambes tremblantes mais en vie. Elle allait le sentir passer demain, il n’était jamais bon de forcer son corps à obéir, mais au moins, elle ne se sentait plus soumise. Elle envoya un rictus à Irumi.
 
-Tu ne recommenceras pas ça !
 
Elle leva le bras et l’abaissa violemment, le sang au poignet d’Irumi fut pris d’un spasme et tel un lien de Nen s’enroula autour de l’accoudoir de la chaise pour y plaquer le membre du Zoldick.

- Je trouve que tu parles beaucoup. Mais dis-moi... Après avoir résisté à mon ren, puis à mes aiguilles... Que vas-tu faire suite à... Ceci ?
 
Pas grand-chose malheureusement. Le coup de poing lui fit voir trente six chandelles et le coup de pieds quintupla leurs nombres. Le temps qu’elle reprenne son souffle elle se trouvait à terre avec l’assassin au dessus d’elle, la main serrée sur son cou, la menaçant d’une nouvelle aiguille.
 
Mais il en avait combien celui-là ?! Et il les sortait d’où, hein ? De son c. Ellie s’arrête essayant de retenir toutes ses remarques cyniques. Même si là, vu leurs positions sur le sol, il y en avait bien une qui lui brûlait les lèvres.


-Je dirais qu’après ceci je vais sûrement retourner m’entraîner au corps à corps, parce que c’est pas très glorieux.
 
Phoque, quitte à mourir, elle dirait tout ce qu’elle avait sur le cœur ! Mais le type ne se décidait pas à la tuer, et elle avait laissé passer sa chance de tout à l’heure. Cela lui apprendrait à trop réfléchir et épier le meilleur moment, elle ne se ferait plus avoir de la sorte.

- Une chose m'intrigue cependant. Quel est l'intérêt de proposer son corps dans le but de survivre ? De bien moins bons combattants que toi ont réussi à survivre sans avoir à en arriver là. Tu es face à un assassin, et plutôt que de donner tout ce que tu as et d'essayer de le battre, tu choisis cette solution. Tu as un nen fort étonnant, qui sera très certainement bien plus puissant quand tu auras gagné en maturité. Alors pourquoi ne pas l'utiliser dès le début ? Et surtout, pourquoi ai-je la désagréable sensation que tu retiens tes coups ? Est-ce parce que tu as deviné que je n'allais pas te tuer, avide d'en savoir plus sur ton fameux pouvoir ? Ce serait stupide, et je pense que tu n'es pas assez idiote pour l'avoir compris. Si je préfère éviter de te tuer, cela ne m'empêche pas de te torturer.

Pour la première fois, le Zoldick semblait sincère dans ses propos et Ellie fut étonnée de sa question. Cela lui semblait pourtant évident.
 
-Parce que comme tu es plus fort que moi et que te blesser me semblait plus difficile que de te draguer.
 
Elle siffla.
 
-Mais il semblerait que je me sois plantée.
 
Par des aiguilles. Ah-ah.
 
-Mais je te remercie pour le compliment. J’aime bien mon nen aussi. Il est pratique. Pour survivre et tout ça. Enfin pas trop là, maintenant tout de suite, mais jusque là il servait bien.  
 
Elle plongea son regard dans le sien, inexpressif, sans vie, très flippant, il recommençait avec son aura en plus…Ellie essaya de rassembler tout ce qui lui restait d’adrénaline dans le sang pour ne pas replonger dans le même état de panique que tout à l’heure.
 
-Pour le fait de me tuer tout ça…Hum. Oui j’avais plutôt assez bien compris tes intentions, et si je pouvais éviter de passer par la case tortures c’est mieux.
Elle observa le mur ensanglanté où elle avait été épinglée un peu plus tôt et son mouvement lui arracha une vilaine coupure sur le crâne. Il avait raison, si elle désirait s’en sortir elle devrait jouer au maximum de ses capacités, tant pis si elle devait lui montrer l’intégralité de sa carte. Le fait qu’elle n’ait pas peur de la mort ne signifiait pas qu’elle désirait mourir pour autant.
 
-Pour mes coups…J’attendais juste une opportunité.
 
Ellie déploya tout son Nen et l’appela à elle. D’abord la main, Irumi n’avait peut-être pas ingéré beaucoup de son sang mais cela devait être suffisant pour relâcher sa prise sur elle. Ensuite, le reste. Elle se concentra une seconde puis une fois son plan en tête elle passa à l’action.
 
Les tâches sur les murs et le tapis réagirent aussitôt et se transformèrent en lances acérées se jetant droit sur Irumi, tandis que le sang encore présent dans le corps de la jeune femme se révulsait pour rejeter ce qui restait d’épingle. Elle sentit la piqûre sur son front, mais heureusement le sang la protégea suffisamment pour ralentir le mouvement d’enfoncement dans le crâne.
 
Ellie roula sur le côté, profitant du déséquilibre que causait son attaque. Et se précipita vers la porte de sortie. Mais pas question de s’arrêter là. Elle ne prit même pas la peine de vérifier si le Zoldick avait été touché ou pas, elle ordonna au sang du criminel de sortir par la plaie qu’il avait déjà au bras tout à l’heure. Le liquide lui répondit, difficilement mais elle réussit à en tracter assez pour en faire une lance tourbillonnante autour d’elle. Le souffle court, plus entravée par la peur que par l’effort, elle murmura :
 
-Une…Opportunité comme celle-là.

Le rire du Zoldick la prit de court, et elle se demanda une seconde s’il s’agissait là d’une ruse ou d’une scène à la super-méchant-et-son-monologue-machiavélique comme ceux qu’affectionnaient Cornell. Aucune de ses attaques ne l’avaient véritablement touché et Irumi avait eu trop peu de son sang dans le sien pour qu’elle puisse tracter une quantité fatale hors de son corps…Ellie savait qu’elle ne parviendrait pas à tenir tête très longtemps à une force de la nature pareille…
 
Elle espérait secrètement que le manque d’irrigation dans son cerveau avait causé un mental-break-down, mais elle doutait que les dieux se montrent si cléments.

- Je le savais. Ton nen est absolument extraordinaire. Hisoka en serait vert de jalousie, c'est certain.

L’assassin se redressa et la fixa de ses grands yeux inexpressifs, tout aura meurtrière envolée. Et Ellie se rendit compte à quelle point elle avait saturé l’air ambiant quand la pression disparu. Sa respiration se calma. Et elle hasarda un sourire, bien que toujours méfiante :
 
-Merci…Moi aussi je l’aime bien…

- Range ton arme - et remets donc mon sang à sa place - je ne t'attaquerai plus.
 
La phrase acheva de la calmer et Ellie sentit ses genoux trembler sous son poids. Dans un soupir elle relâcha la pression et tomba au sol, rassurée. Elle s’en sortait, indemne. C’était inespéré, mais elle n’allait pas cracher sur un tel dénouement, certainement pas ! En revanche, elle ne remit pas tout de suite le sang du Zoldick dans ses veines, elle voulait d’abord être sûre de pouvoir s’en aller vivante de cet hôtel.
 
- Et tu ne pourras pas me tuer, tu n'es pas assez forte pour cela. Ne prends pas cet air surpris, les Zoldick suivent un entraînement spécial, qui apprend à déterminer la force de l'adversaire par rapport à sa propre force.
 
Ellie n’avait même pas réalisé qu’elle avait laissé échapper une expression de surprise, et elle se fit la remarque qu’elle devait être plus secouée qu’elle ne se l’avouait, pour ne pas porter de masque en cet instant.
 
-Depuis que tu as fait tombé ton téléphone à mes pieds, je sais que je n'ai rien à craindre de toi. Tu pourrais gravement me blesser, sans aucun doute, mais tu n'en ressortirais pas non plus indemne. Et vu que tu ne m'aurais pas tué, je finirais par te retrouver, et te tuer sans te laisser bouger le petit doigt.
-Oui c’est ce que j’ai cru comprendre aussi…Mais j’aurais aimé le comprendre plus tôt, avant de me retrouver enfermée dans cette chambre !

Il avait raison, Ellie le savait, même si ça ne lui plaisait pas de l’avouer. Elle écouta cependant ce qu’irumi avait à lui proposer.

- Les Zoldick n'ont pas besoin d'un ennemi comme toi. Je pourrais t'éliminer, mais je trouve que cela serait dommage de se priver d'un tel pouvoir. Je te propose donc un marché.
 
L’égo d’Ellie tripla de volume à l’entente de cette phrase : elle non plus, elle ne voulait pas d’un Zoldick pour ennemi, mais ça c’était une autre paire de manche ! En revanche l’idée d’une alliance avec la famille d’assassin la laissait perplexe. Elle n’appréciait pas les criminels –mais était mal placée pour repousser un marché pour cette raison, étant elle-même une tueuse…Mais les possibilités infinies qui s’ouvriraient à elle en acceptant étaient très tentantes. Même si, sur le coup, elle n’avait absolument aucune idée de ce qu’elle pouvait bien demander.
 
- Je te laisse proposer tes conditions. Les miennes sont les suivantes : je veux pouvoir observer ton nen en action et... T'entraîner. Nous entraîner. Tu as des soucis pour te battre au corps à corps, je dirais même que tu es faible.
 
L’égo d’Ellie se dégonfla comme un gros ballon de baudruche percé. Le pire c’est qu’il avait absolument raison.
 
-Entraîner ton corps pour le rendre plus fort te prendra du temps, et tu n'as pas l'air d'être du genre à avoir du temps à perdre. Il m'est possible de te rendre moins sensible aux coups. Et me battre contre quelqu'un comme toi ne fera que me rendre plus fort.

L'assassin se releva vivement, et observa une fois encore la jeune femme. Ellie soutint son regard, et se pencha sur la question. Le deal lui paraissait très honnête, voire même clairement à son avantage. Elle aurait été bien stupide de le refuser : surtout qu’il ne fallait pas se faire d’illusions, c’était ça ou mourir ici et maintenant. Elle médita sur les termes de l’accord qu’elle pouvait marchander.

- Disons que ce que je te propose précisément, c'est un contrat... De paix ? Vu notre situation, nous n'avons que trois possibilités : nous battre jusqu'à la mort ; partir chacun de notre côté - mais sois certaine que je te retrouverai et te tuerai ; établir une alliance. Qu'en penses-tu ?

Ellie se redressa, difficilement, et d’un mouvement de main renvoya le sang du Zoldick dans le corps de celui-ci. En guise de message de bonne volonté.
 
-Cela me va parfaitement.
 
Le fait qu’elle n’ait même pas une bêtise à dire en disait long sur son état. C’était le moment crucial où tout se jouait, le moment où elle imposait ses conditions : hors de question de tout gâcher à cause de sa grande gueule. Elle croisa les bras, préférant ajouter une clause au contrat après réflexion :
 
-Et je ne veux pas me retrouver à coucher à droite et à gauche pour les Zoldick. Je suis peut-être une putain, mais je choisi tout de même un minimum mes « clients », hors de question qu’on m’en impose. Je couche si je le veux bien.  
 
Elle continua, une fois ce point clair :
 
-Je suis tout à fait d’accord pour l’entraînement. Cela ne peut pas me faire de mal et si en plus ça t’aide, alors c’est tout bénef’. En revanche, je ne vais pas pouvoir honorer cette part du marché tout de suite, j’ai des affaires à YorkShin qui sont plutôt pressantes. Je peux te donner mon numéro pour que tu puisses me recontacter quand tu jugeras cela nécessaire, mais si tu approuves ce qui va suivre, tu n’en auras pas besoin.  
 
Ellie hésita, s’apprêtant à relever un des plus grands secrets de son Nen, mais elle savait que le marché resterait à son avantage et qu’elle aurait à tout jamais une protection contre le Zoldick s’il acceptait. Elle tendit la main.
 
-Il y a une technique que tu n’a pas encore vu de mon Nen. Cela s’appelle le pacte du sang. Si tu acceptes de m’aider et moi de même, et que nous buvons chacun une goutte de sang de l’autre…Alors nos pouvoirs seront à jamais liés. Tu pourras toujours sentir où je me trouve et moi de même. De plus tu pourras utiliser mes pouvoirs dans une certaine mesure et moi les tiens.
 
Elle leva les yeux, inquiète de la réponse. Ce qu’elle ne lui disait pas c’est qu’il pourrait utiliser la manipulation de son sang et des autres, enroulé les objets de sang pour les manipuler…Mais pas faire un pacte de sang avec les autres. Elle gardait l’exclusivité de cette technique. Ce qu’elle ne lui révélait pas non plus, c’est que si jamais il la trahissait d’une quelconque manière, alors le sang qui scellait le pacte le tuerait immédiatement, formant un caillot bouchant un vaisseau sanguin du cerveau.
 
-Est-ce que cela te convient ?

Si cela lui convenait ? Le Zoldik était plus que sceptique concernant la proposition d'Ellie. Une technique permettant de le lier à elle ? Tout cela ne lui disait rien de bon. Mais, bien qu'il ne l'admettrait jamais, il était curieux d'en savoir plus sur le pouvoir de la jeune fille. Il accepta donc, non sans promettre à Ellie de la tuer dans la seconde, si jamais il jugeait son comportement dangereux.


Il prit une aiguille, se perça le bout du doigt, duquel perla alors une unique goutte de sang, et fit signe à la jeune fille d'approcher. Cette dernière entreprit elle-même de libérer une goutte de ce liquide rouge qui semblait lui être si précieux, et dans un même mouvement, ils léchèrent le sang de l'autre. Le regard neutre posé sur Ellie, l'assassin semblait attendre quelque chose. Mais alors qu'elle s'apprêtait à parler, il la coupa d'une voix froide :

"Et donc. Si je comprends bien, nous sommes désormais liés par le sang. Où que tu sois, je pourrai te retrouver. L'inverse marche aussi. Nos pouvoirs sont également liés. Intéressant..."

Il marqua une courte pose, puis se retourna et se dirigea vers la porte.

"Ne t'avise pas de te moquer de moi, tu le regretterais amèrement. J'ai des choses plus importantes à faire désormais. Sache que je vais prendre le temps d'identifier tout cela. Et s'il s'avère que tu m'as menti, je te retrouverai et te tuerai."

Sans attendre de réponse, le Zoldik s'en alla. Même si Ellie avait voulu le poursuivre, elle n'aurait rien trouvé que le long couloir vide. Mais s'il y avait quelque chose de plus intriguant encore, c'est que le chat avait lui aussi disparu...